Detachment

Stéradian publié initialement le 5 novembre 2012

USA 2011. Tony Kaye / Carl Lund

A. Brody / Chr. Hendricks / J. Caan / L. Liu / M. Gay Harden / S. Gayle / B. Kaye

« Flotter sur l'océan, sans bouée, alors qu'on pensait être celui qui lançait la bouée »... Attention, Brody convainquant, ce qui nous change, par exemple, du Pianiste, de l'Expérience-le-remake. On en est bien content. Ici, la déprime générale, filmée de près. Ici, l'école, un prof qui y croit, mais sait que personne n'y croit plus, alors lui non plus, et au lieu de croire, il agit, le peu qu'il peut, vaillant missionnaire complètement foutu. L'école, post-violente, condamnée à lutter, tous contre tous, de façon permanente, en classe, chez soi, entre les gosses, entre les adultes, et personne, personne, n'en entre ni n'en sort, indemne. On commence en citant Camus pour finir par Poe. C'est classique, et ça mord. Une étonnante photo, des plans flashbacks explicatifs, des photos tirées des mémoires de chacun se cousent comme des illustrations, déchirantes de clarté, et enfin, un tableau noir qui sert à y inscrire du sens, à la craie, dessins animés qui reflètent ce sens qu'y trouvera aussi une élève, esseulée, avec son appareil photo et ses fusains déchirés, ses dessins décharnés, sa famille dégommée... Puis des témoignages, constants, du désastre. Des mots de profs aussi pertinents que les doutes des gosses, que les fêlures des vieux. Personne n'est plus un, une enfant. Personne n'est dupe, de ce jeu de dupes, voir sous les jupes... des cartes. On dirait un reportage post-mortem de la société de progrès, qui, élément après élément, reconstitue le puzzle de la déconfiture. Non, la violence n'est pas nouvelle. Mais ce qu'endigue, partout, ce détachement, celui, par lequel seul, on parvient à une petite, mais parfois suffisante distance, peut-être lucide, ce qu'il empêche parfois, est d’être toujours, et partout en même temps. Alors y circulent des grains de sables, comme des profs, quelques parents, quelques élèves, et quelques autres. Sauf que tout, tout, fout le camp, tout cède, car l'école, c'est pas du cinéma. Le plus beau métier du monde ? Rien que ça, du cinéma : Depardieu a fini restaurateur et présidentiel chauffeur de salle d'une société devenue obèse, de s'engraisser à laisser s’entre-dévorer ses enfants (et bien qu'on soit curieux de ce Mammuth, si enluminé des critiques). Avec ce beau film, si bien habillé des guenilles de la justesse, et quelques autres (on fera un jour un bilan, des films sur l'école), on leur chie dessus, juste, presque, libérés. Une société qui se dévore elle-même... Les fans du paternalisme pennacquien devraient aimer. Pour une fois, ils ne seront pas seuls.