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19 ans au pouvoir, 19 raisons pour qu’Aubry se casse !

Pour la première fois depuis 19 ans, l’élection de Martine Aubry dimanche ‒ si elle est réélue ‒ sera gagnée de justesse. À l’évidence, entre les abstentionnistes et les électeurs qui glisseront un bulletin pour ses rivaux, celles et ceux qui la soutiennent semblent de moins en moins nombreux et de plus en plus déconnectés de la réalité. C’est ce que nous avons bien été forcés d’admettre en laissant traîner nos oreilles dans les méandres lillois.


Ce qui suit n’est pas une consigne de vote dont tout le monde se fout. Nous ne souhaitons pas plus d’Aubry que des Verts ou de la droite dure macroniste, car nous savons pertinemment que dans le fond, ça ne changera rien. Ce qui suit est un inventaire objectivement subjectif des raisons qui poussent un nombre croissant de gens à proclamer : Aubry doit se CAS-SER. Après 19 années à la tête de la mairie de Lille, le cursus honorum de Madame-le-Maire a pris la forme d’un règne sans partage. L’institut de sondage de l’École Néogonzo de Lille (ENL), PaNel For PaVel, a donc demandé à un échantillon, bien évidemment représentatif, de 19 Lilloises et Lillois de nous dire pourquoi elle doit prendre sa retraite. Voici leurs réponses :

 

Raison n° 1 :

J'ai beaucoup réfléchi. En 44 ans de vie à Lille, je n'ai eu que 2 maires, je crois que ma mère, en 70 ans,  en a connu 3. Y’en a marre des baronnies. Je veux qu'elle perde, qu'elle pleure et que, de rage, elle fiche le feu à cette damnée mairie.

 

Raison n° 2 :

Franchement, j'ai beau retourner ça dans ma tête, arriver à trouver un point positif dans le bilan du dernier mandat : c'est un peu compliqué tant parfois c'est nul ou tant les circonstances qui amènent à des décisions qu'on pourrait taxer d'être positives sont nulles. La circulation d'abord, Lille à 30 km/h pourquoi pas, mais l'on a l'impression que c'est parce que l'air du temps était à l'écologie que la décision est prise alors que l'air de Lille restait pourri. Et toujours en demi-mesure, plutôt que de militer pour la gratuité des transports, on piétonne quelques secteurs en pensant qu'il y aura moins de pollution.

La folie du béton a continué à Lille et Lillenium qui ferme désormais la perspective de la rue des Postes ne cesse de retarder son inauguration. Voilà, on se butte à un mur avec Aubry. Saint-Sauveur est peut-être le symbole et l'apothéose de cette gestion autocratique. D'un coup Madame nous a sorti un projet de piscine. Ah oui ! c'est vrai, on est peut-être la seule ville du monde à avoir une piscine olympique non homologuée... à cause de l'épaisseur du carrelage non prévue... C'est un peu à son image.

On pourrait dire la culture... bof bof, Lille3000 se casse la gueule et vu le dernier rapport de la Cour des comptes, on émet de sérieux doutes sur la survie de ce système à moitié patronal. Et puis, l'esthétique merde, on se tape une Romy jaune d'œuf sur le parvis de la gare. Œuvre que perso, je trouve un peu ex-nihilo. Au moins, ça a eu le mérite de dégager les pauvres et marginaux qui skouataient le rebord de l'ancienne fontaine. Bravo, on reconnait bien la pâte "gentrification".

Gentrification qui est sans doute elle aussi ratée, Eurostar parle depuis quelques semaines de supprimer l'arrêt Lille, comme quoi Lille n'a pas su s'inscrire dans le top des villes européennes mondialisées. Mais pour Aubry, après l'échec de l'implantation de l'agence du médicament, l'important c'est quand même de faire semblant.

Faire semblant, ça finit par se voir, être de gauche au national, appliquer une politique de droite au local. Il me semble que Lille compte pas loin de 14% de logements vides. Bon, on pourrait lui concéder que, dans la ville où les prix au mètre carré sont les plus chers de France, Aubry a tenté l'encadrement des loyers, mais finalement retoqué. Raté encore.

D'ailleurs, Aubry nous bouffe, tout tourne autour d'elle et de ses échecs. Regardez la gueule du second tour, Baly : ancien conseiller municipal d'Aubry, Spillebout : ancienne dir' cab' d'Aubry. Quand je pense qu'un.e gamin.e lillois.e qui de sa naissance à son bac, n'aura vu qu'une seule gueule toute sa vie, celle de la maire Aubry et son caractère et ses caprices : ça me fait froid dans le dos de la façon dont vont se saisir démocratiquement du pouvoir les prochaines générations prises dans le carcan et le logiciel Aubry. D'ailleurs, dans Lille, en 2014 pour avoir une franche comparaison : il n'avait fallu que 19 422 voix à Aubry pour accéder au second tour, ça la fout mal sur une ville qui comptait jadis 227 533 habitant.es.

 

Raison n° 3 :

J’aime le frétillement du changement. Il faut que ça tourne, il faut que les équipes se renouvellent, il faut de la fraîcheur et pas des personnes qui finissent par penser que la mairie et la ville leur appartiennent. Surtout quand ces personnes, Aubry en tête, instaurent la verticale de la terreur auprès de l’ensemble des agent.es municipaux. Ils doivent être au service des gens, pas à la disposition de la baronne et de ses affidé.es.

 

Raison n° 4 :

Martine Aubry doit partir car Lille est grise, bétonnée, irrespirable et a perdu le sens de la fête.

 

Raison n° 5 :

Aucun élu ne sera certainement capable d’impulser une politique de la ville digne de ce nom, à savoir inclusive, moins calée sur le profit économique et la domination raciale. La gentrification lilloise, en cours depuis une dizaine d’années, a bien démonté les possibilités d’ouverture culturelle et de mixité sociale qu’elle promouvait. C’est particulièrement criant dans les quartiers où elle est effective, comme le Vieux-Lille, qui a vu ses habitants des classes populaires purement et simplement éjectés. Mais cela nous apparaît également vicieux à Lille-Sud, Moulins, Fives, et en particulier Wazemmes, où les classes moyennes sont venues habiter les recoins les plus tranquilles, secondées par tout un prolétariat dit « cultureux » ou entrepreneur, basant son action sur l’appropriation culturelle qui donne des allures de ville coloniale aux espaces en question. Ville coloniale, dans le sens où les populations locales restent confinées dans les parties les moins enviables de ces quartiers, et réduites à une accessibilité discriminée, pas de manière formelle, mais discriminée quand même, à des lieux aux prétentions culturelles et politiques qui ne dépassent pas la réalité du simple débit de boisson ; des bars aux ambiances souvent bourrues qui confortent les gens du lieu dans une sensation de rejet et de mépris. Au final, nous avons des bastions blancs occupant l’espace, et ayant une forte attractivité basée sur la légitimité d’événementiels festifs et faussement multiculturels, reléguant d’autres lieux à de simples folklores – le bled, la cuisine du monde, si l’on parle de la rue Jules Guesde –, quand ils ne sont pas vus comme des contrées de sauvagerie. Voilà à quoi a abouti la politique de Martine Aubry pour au moins ces dix dernières années : une forme de développement des quartiers dans l’esprit start’uper où la survie et la dignité de chacun dépendent du racisme social. Les concurrents de Martine aux municipales, Verts et LREM en tête, n’ont absolument pas pour projet de dépouiller les privilèges dont l’espace public est le vecteur pour une population principalement blanche. Le pendant de quelques espaces verts que nous gagnerions en plus des 60 à 80 déjà répertoriés pour la ville, et qui comprennent certainement les terre-pleins des ronds-points, tellement cela ne nous paraît pas flagrant, serait la prolifération de la vidéosurveillance et des agents de police participant toujours plus à la précarisation des mêmes. Les alternatives à Martine n’ont à mes yeux que l’intérêt de remplacer la maire au pouvoir depuis près de vingt ans, qui n’a fait que poursuivre les logiques urbaines inhérentes au néolibéralisme, faisant au passage de la ville l’arène de la politique spectacle, si l’on en juge par les grands projets d’installations pour les JO heureusement suspendus. Ces alternatives, si on ne peut qu’espérer qu’elles soignent quelque peu l’incurie actuelle, selon le principe qu’il faut donner leur chance à ce qui n’ont pas pu faire encore leurs preuves, il y a peu d’espoir qu’elles s’attellent au problème social, toutes dépendantes qu’elles sont du marché. C’est pourquoi je vous appelle toutes et tous, laissés pour compte en tout genre de l’espace urbain, prolétaires, racisés, personnes à mobilité réduite, SDF, etc., à faire fi du jeu électoral, et à occuper l’espace qui vous est grappillé sans cesse, par des réunions, des actions, des prises de parole, et autres, à la faveur du déconfinement et des mouvements actuels qui secouent l’Histoire.

 

Raison n° 6 :

Martine Aubry doit partir pour entraîner une commune auto-organisée et nouer de réels liens affectifs et collectifs, basés sur l'enthousiasme. Pour qu'enfin nous soyons le territoire !

 

Raison n° 7 :

Martine doit partir parce qu'après 19 ans de mandat, elle a largement eu assez de temps pour travailler, rendre la ville verte et respirable. Parce que l'humain n'est pas fait pour résister aux dérives du pouvoir et qu'il est temps que ses directrices et directeurs en tout genre, de services, de lieux culturels, de je ne sais quoi, puissent enfin retravailler pour les citoyennes et citoyens et non pour Martine. Parce que nous avons besoin de respirer.

 

Raison n° 8 :

Parce que si elle avait mis de côté son idéal de cohésion sociale à la Lillenium, il y aurait moins de monde à faire l'aumône.

 

Raison n° 9 :

Il faut virer Aubry pour mettre à bas des pratiques clientélistes d’un autre temps : pression sur les assos, chantage aux subventions, gentils rappels à l’ordre des directeurs de centres sociaux ... être de gauche c’est permettre à la société de s’auto-organiser en contre-pourvoir pour défendre ses intérêts, pas mettre sous sa coupe et gérer en bon père de famille pour le bien du peuple.

 

Raison n° 10 :

Martine Aubry doit partir parce que sinon on vit Retour vers le futur : les (mauvaises) solutions des années 1990 pour les (vrais) problèmes des années 2020 !

Les projets Euralille 1 et Euralille 2, Euratech, maintenant Lillenium, remplissent déjà les besoins du marché immobilier privé réservé aux classes moyennes et moyennes supérieures (logements en accession ou à la location) et aux entreprises tertiaires les plus riches (immobilier de bureau). Nous ne pouvons reproduire sans cesse des projets qui visent à attirer des populations, des entreprises tertiaires, des commerces de grande distribution qui importent des objets produits à l'autre bout de la planète. Ces solutions sont injustes socialement (que font ceux qui sont déjà là de ce type de projet ?), ces solutions sont dépassées écologiquement. Elles ne correspondent plus aux besoins actuels et futurs de production locale (artisanat, couture, petits commerces indépendants, coopératives, services aux personnes, éducation, associations), d'espaces verts plus importants et de logements pour les catégories sociales moyennes et populaires qui habitent déjà Lille.

 

Raison n° 11 :

En 2007, M.A. s'est fourvoyée, malgré les réticences de son propre conseil municipal, dans le soutien à une structure associative LGBT qui se présentait comme responsable, représentative et proche des institutions, en un mot : gouvernable. Le militantisme et la cause LGBTQI+ y ont perdu du temps et des plumes, l'institution a perdu de l'argent et du crédit. On a toujours tort de ne pas faire confiance aux activistes ingouvernables des causes qu'on croit justes.

 

Raison n° 12 :

Elle doit partir selon moi car nous n’en pouvons plus de cette politique répressive sur les cafés à Lille, bien ciblée, pour mettre en avant les lieux culturels officiels, et écraser les petites structures indépendantes. Parce que ce que je vis en tant que patronne de bar depuis 14 ans c’est de la part de la municipalité et de la préfecture un total déni de notre rôle social et culturel. Tenir un café ce n’est pas que servir des boissons (je pourrais développer). Et vivre de la répression quotidienne c’est assumer un stress important. Loin d’être soutenus, tout au moins reconnus pour ce que nous faisons et l’énergie que nous y mettons, tout ce que nous donnons pour une vie de quartier (aider un voisin, aider un SDF, sortir des gens de la solitude, juste être à l’écoute...) avec un lieu public ouvert à tou.te.s, nous subissons des contrôles et une pression permanentes. Exemple : audition police nationale et avertissement du tribunal pour un simple déplacement d’une table sur la terrasse. Ça bouffe la santé pour le dire ainsi.

Pour ne plus avoir la chair de poule quand les flics arrivent.

Pour ne plus pleurer au téléphone quand un responsable à la mairie me harcèle pour mon droit terrasse (notre terrasse représente notre gagne-pain, et c’est devenu du contrôle systématique). Voilà : pour faire sauter Martine Aubry.

 

Raison n° 13 :

M.A doit partir parce que si la promesse d'accorder le droit de vote aux étranger.ères avait été tenue, cela ferait bien longtemps que les urnes l'auraient déposée de son trône ; une sanction à la hauteur de son mépris de classe/race, prononcée par celleux qu'elle a royalement ignoré.es / maltraité.es en dehors des échéances électorales, manipulées à l'occasion de ses campagnes.

 

Raison n° 14 :

Si le socialisme, c’est mettre des « œuvres d’art » dans les grandes rues lilloises. Si le socialisme, c’est faire la photo avec des rescapés de l’Aquarius, tout en n’apportant aucun soutien aux centaines d’exilé.es coincé.es dans un hangar désaffecté. Si le socialisme, c’est du béton, encore du béton, toujours du béton, pour une population qui étouffe toujours plus. Si le socialisme, c’est des centres d’affaires et des eura-croyances techno-libérales. Si le socialisme, c’est rénover et réhabiliter pour chasser les plus démunis de leurs quartiers. Si le socialisme, c’est l’accaparation du pouvoir et la pression sur les associations. Si le socialisme, c’est réprimer nos nuits et nos ivresses. Si le socialisme, c’est mettre une plaque explicative sur la statue d’un militaire colonialiste. Alors le socialisme est mort. Que Martine Aubry parte, et qu’elle prenne la place du général Faidherbe sur la place Richebé avec cette plaque « explicative » : « Ici gît le socialisme ».

 

Raison n° 15 :

Martine Aubry doit partir pour laisser la place à Manuel Valls.

 

Raison n° 16 :

C'est une personnalité hypocrite qui se vante de faire des choses pour les personnes migrantes et elle ne le fait que quand ça lui apporte un intérêt médiatique à sa politique. Le fait de laisser crever des centaines de personnes, dont des mineures, à la rue, dans le froid et confrontées aux difficultés de la vie, de la prostitution, du trafic de drogue est inadmissible. On parle de personnes mineures qui ont galéré dans leur parcours de vie. Martine Aubry est une personne qui ne mérite ni la confiance des Lillois.es, ni son image au niveau national quand vous laissez des personnes dans des conditions inhumaines, sous la canicule, en leur refusant l'accès à l'eau par exemple. Elle ne respecte pas, à mes yeux, les droits humains.

 

Raison n° 17 :

Parce qu'on est dans le monde d'après.

 

Raison n° 18 :

Parce qu'elle est d'accord avec des gens que je méprise.

 

Raison n° 19 :

Son nom ressemble trop à tartine de Brie !

 

La raison à laquelle vous échappez enfin presque n° 1 :

Si tu poses la question, c’est que tu connais pas Lille.

 

La raison à laquelle vous échappez enfin presque n° 2 :

Moi je veux qu’elle reste.

 

La raison à laquelle vous échappez enfin presque n° 3 :

C’est qui ? Bah… ton amie si je la connaissais je pourrais te donner mon avis, mais… écoute… ta pote moi je la connais pas, j’sais pas c’qu’elle fait… si t’as un problème avec elle, t’as qu’à avoir une discussion franche avec elle, et voilà… et tu me la payes cette bière ou quoi ?