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  • Écrit par Jack de L'Error
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Dialogue & Ambition®

Il y a six ans je racontais ici-même la façon dont j’avais violemment dégueulé lors de la soirée électorale du premier tour des présidentielles. Empruntant une logorrhée digne des patients d’un service d’addictologie ‒ voire de certains élèves de l’École Néogonzo de Lille (ENL) dont je tairais les noms par professionnalisme ‒, celui qui s’apprêtait à régner venait de revendiquer toute l’affection qu’il portait à sa femme. Las, j’en concluais : « Jamais les fachos n’ont été aussi proches du pouvoir depuis 70 piges dans le pays, et le gars nous fait part de son amour pour la future reine de France ».


Six ans ont donc passé, et où en est-on ?

Premier constat : je me fais vieux et je n’ai plus l’âge pour ces conneries.

Second constat : la fascisterie se porte bien en France et notre jet-skieur de président n’y est vraiment pas pour rien.

MILLE NEUF CENT QUARANTE-CINQ avait pourtant bien foutu le seum aux fachos : Mussolini se faisait dézinguer puis pendre par les pieds, Hitler se cramait la cervelle avec son providentiel Walther PPK 7,65 mm, suivi de près par son poteau Goebbels, Laval était fusillé et Pétain finissait en taule…

Année faste qui provoqua un reflux du tsunami fasciste.

Mais voilà que bordel : le problème avec les squadristes est qu’ils se la jouent show must go on. Et aujourd’hui, ils sont en pleine forme.

Voyons cela de plus près :

Le Pen engrange 2,6 millions de voix de plus qu’en 2017 alors qu’un certain banquier ‒ dont le seul talent avéré tient à sa façon d’arquer son sourcil gauche ‒ promettait de la faire reculer ; des hordes nationales-sauce-racistes sillonnent les rues de nos villes en criant « Immigrés assassins » sans être inquiétées par la police, elle-même dirigée par un ministre qui affirme que « l’étranger n’est pas par nature un délinquant » mais que quand même, hein, faut pas abuser ‒ en gros un mec qui-n’est-pas-raciste-mais ; des saillies xénophobes fusent à l’Assemblée nationale ; le pouvoir se durcit, bâillonne, criminalise, terrorise et démolit littéralement celles et ceux qui tentent de s’opposer à une fin de mois de misère et à la fin du monde ; la bave fascisante coule jour après jour ‒ et depuis tant d’années ‒ de la bouche de l’extrême-droite à la bouche de prétendus démocrates ; des suprémacistes fomentent des attaques ciblées contre des féministes ou des musulmans ou des LGBT ou des humanistes ; l’antisémitisme continue de ramper ; Poutine cite Goebbels dans le normal tout en prétendant combattre des nazis ; Erdogan et sa clique veulent se tailler un « Lebensraum » ; trois pays de l’UE sont maintenant gouvernés par l’extrême-droite, dont l’Italie qui revient aux sources depuis le 22 octobre 2022, soit cent ans après la Marche sur Rome

Etc.

Et alors ? Bah que dalle, en fait.

Au club de Jet Ski du 55 rue du Faubourg Saint-Honoré, tout va comme sur des roulettes. On observe la marée monter et on se délecte par avance des vagues que l’on pourra surfer en toute sobriété.

Voire on est la piscine à vagues.

À ce sujet, une image me revient à l’esprit.

Un cliché, pris en octobre dernier, lors de la première rencontre entre Macron et Meloni. Ah ! Faut voir comme la photo était glam, à Rome, quand notre président vint saluer la nouvelle présidente du Conseil italien, quelques heures à peine après sa prise de fonctions. Un truc prémonitoire :

Et vas-y que je te serre la main, Giorgia. M’en fous, moi, que tu kiffes le Duce, ce que t’as fait de ta life, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, vois-tu. C’est pas ton mentor qui disait justement « me ne frego » ? D’ailleurs, je vais t’en raconter une bonne : tu n’es pas sans savoir ce que ton Benito chéri a sorti pour répondre de l’assassinat de Giacomo Matteotti devant les députés italiens et préparer les esprits aux lois fascistissimes [NDLR : « Je déclare ici, en présence de cette Assemblée et en présence de tout le peuple italien, que j'assume, moi seul, la responsabilité politique, morale, historique de ce qui s'est produit. [...] Si le fascisme a été une association de criminels, je suis le chef de cette association de criminels ! », 3 janvier 1925], eh bah MOI, au sujet de l’affaire Benalla, MOI, c’était le 24 juillet 2018 (je m’en souviens bien parce que je portais mon costard préféré), MOI seul j’ai déclaré : « S'ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu'ils viennent le chercher » ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! J’suis con MOI ! Ha ! Ha ! Ha ! On se bidonne, hein, Giorgia ! Enfin, bon, trêve de plaisanterie, Giorgia, on n’a pas gardé les cochons ensemble, ok, mais au fond, tu fais du business, je fais du business, on fait tous les deux du business, et si tu me forces pas à accueillir les migrants péchés en Méditerranée par des terroristes de l’ultra-gauche, ça va bien se passer, ouais, si tu fais pas ça je te garantis ma grande qu’on va « réussir ensemble, avec dialogue et ambition ».

Bon, d’accord, c’est peut-être pas exactement ce qu’il s’est passé ce jour-là.

Alors j’arrête de dérailler : la situation est flippante.

Car pour reprendre les mots d’un spécialiste du fascisme, « c’est en ce point précis que le néofascisme entre en scène, comme force politique appelée à prendre le relais du néolibéralisme d’un point de vue hégémonique ».

On est à « ce point précis », ce moment critique que certains nomment un « déjà-là fasciste ».

Le business est rôdé : le premier crée les conditions de l’avènement du second jusqu’au point où les deux se confondent.

Dialogue & Ambition® : y’a pas plus efficace comme programme commun.

  • Écrit par Bruegel de Bois
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Les factieux c'est elleux !

Franck Riester, Agnès Pannier-Runacher, Élisabeth Borne, Amélie Oudéa-Castéra... Ils et elles sont 19 (sur 44 membres du gouvernement actuel) à être millionnaires. Dans le même temps, on peut compter 10,1 millions de personnes pauvres en France en 2019, dont plus de la moitié sont des femmes. L'intensité de la pauvreté est elle estimée à 19,7% (soit 13 millions de personnes), dans un pays où les 0,1% les plus riches de la population payent proportionnellement moins d’impôt que 70% de la population active française.


La démocratie représentative sous sa forme Ve République est-elle devenue le gouvernement des pauvres par les riches et pour les riches ?

Quand le président de la République, dans sa dernière adresse télévisée, avance comme solution – à quoi ? on ne sait pas, mais ni aux retraites et encore moins aux inégalités ‒ de remettre les pauvres au travail ‒ sans qu’un « journaliste » ne le reprenne sur l'infamie de la réduction de leurs allocations en décembre dernier –, il se sent pousser des ailes et peut affirmer que la République ne peut accepter « ni les factieux ni les factions » : nous voilà revenus en plein XIXe siècle, quand le Parti de l'Ordre tentait de juguler (ou d'étrangler c'est selon) les fièvres égalitaristes, libérales ou libertaires.

Comme les mots ont encore un sens, attardons-nous deux minutes là-dessus. Le sens commun désigne le factieux comme celui « qui exerce contre le pouvoir établi une opposition violente tendant à provoquer des troubles ». Si on creuse un peu dans l'étymologie latine, factiosus signifie « être enclin à diviser ». Il peut se rapprocher de « parti politique » ou d’« oligarchie ». Quant à factio, le terme évoque « l’association de personnes unies dans les mêmes intérêts, idéaux, classe sociale ». À Rome, il pouvait désigner les équipes concurrentes ou leurs « supporters » dans les courses du cirque. Le mot, enfin, revient en force au XIXe siècle et commence à se forger : « Entre le parti et la faction, il y a toute la différence qui existe entre intérêts généraux et intérêts particuliers », nous dit Balzac.

Dès lors, comment définir ceux et celles qui gouvernent contre l’intérêt commun ‒ le peuple diraient certain.es ‒ et pour l'intérêt particulier d'une catégorie infime, mais puissamment aisée, de la population ? Suppression de l’ISF, baisse des APL, 49.3…  La chose publique qu'est la res publica – entendue ici au sens de 1792 et donc d’une certaine idée du bien commun – peut-elle accepter l'appropriation de l'intérêt général par des intérêts particuliers ? La rue conteste fortement et massivement ces dérives. Pointer du doigt les manifestant.es pour mieux cacher la propre violence d’un État policier n’est qu’une triste – à nos corps défendants – diversion. La bataille continue dans les mots : face à un gouvernement et un président mal élu (deux fois), à la légitimité plus que douteuse, n'ayant pour définition du dialogue social que la surdité et la répression violente et disproportionnée, retournons leurs mots : « Les factieux sont ceux qui, n'ayant d'autre droit que la force, refusent de la reconnaître chez les autres » (Proudhon). •

  • Écrit par Bruegel de Bois
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Qui sème le seum…

L'essence manque toujours, la grève coule encore dans les raffineries.

740 000 personnes dans la rue selon le ministère de l'Intérieur (dont le chef est un fieffé menteur), 2 millions pour les syndicats (dont les chefs dansent du ventre avec la grève) ‒ la vérité est ailleurs : ce mouvement est massif, déter’, légitime.

  • Écrit par Jack de L'Error
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C’est décidé : je vais devenir keuf (sauf si je dois sucer pour obtenir un poste)

« Alexandre Dumas écrivait dans les années 1850 qu’un pays sans police est un grand navire sans boussole. Par votre action, vous êtes la boussole de la nation française, celle qui rappelle l’ordre républicain [NDLR : à coups de matraques], sans lequel il n’y a pas de liberté, celle qui permet l’égalité des chances [NDLR : mais pas pour trouver un logement] et qui permet surtout d’aller au restaurant avec ses amis [NDLR : ou aux Restos du Cœur], d’aller au cinéma avec sa famille, d’aller au travail pour gagner le pain à la sueur de son front [NDLR : sans avoir à sucer], de vivre, d’aimer [NDLR : de se faire sucer contre un logement], de chanter [NDLR : du Sardou], d’être mécontent, de manifester [NDLR : et de se faire gazer ou exploser un œil], de voter, de partir de notre pays ou d’y revenir [NDLR : en jet privé], de tout simplement être français. Voilà ce qu’est être policier national en 2021, permettre aux autres [NDLR : surtout les blancs] d’être français. Vive la République ! Vive la police nationale ! Vive la France ! »

Gérald Darmanin, Vélizy-Villacoublay, 9 juillet 2021